Quelle est la différence entre un texte puissant et un texte inoubliable?

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(crédit photographique : Petra  Österreich https://pixabay.com/fr/users/Pezibear-526143/)

Voilà une question fondamentale. Car y répondre donne justement des clés pour écrire des textes puissants, et qui sait, peut-être un jour inoubliables.

Alors qu’est-ce qui rend un texte inoubliable?

Il y a selon moi plusieurs éléments et il est très difficile d’être exhaustif. Je vais donc donner déjà ma définition d’un texte puissant, pour la littérature de fiction notamment, même si bien évidemment elle ne sera pas la même pour un autre écrivain ou un critique, même si elle peut, aussi, être discutée pour d’autres genres : essai, biographie, mémoires, témoignage, etc.

Un texte puissant est un texte qui donne une impression durable, bien après la lecture, une impression parfois lancinante. Un texte unique que nul autre que son auteur (une fois identifié) n’aurait pu écrire, donc non reproductible de ce point de vue, bien que falsifiable. Je reviendrai là-dessus.

Un texte inoubliable est un texte qui résiste durablement à l’analyse, qui résiste à la critique, à une seule et unique interprétation. Un texte que l’on se doit même de relire dans une vie, et qui malgré cette nouvelle tentative, se dérobera encore en tant qu’il offrira, à chaque lecture, une nouvelle richesse, des perspectives insoupçonnées.

Mais un texte puissant, aussi puissant soit-il, devra se confronter à l’épreuve du temps, pour savoir s’il est durable dans un temps plus long, s’il dépasse les contingences de son époque.

Je vais prendre un exemple : il y a quelques mois, un auteur que je venais de rencontrer avait lu et relu mon premier livre publié Le gardien du dernier poison. De ses propres mots, il avait trouvé le texte « puissant ». Je lui avais demandé ce qu’il entendait par là, car il était allé jusqu’à comparer le niveau de mon texte à ceux de Camus et Kafka, ce qui m’avait surpris. Mais il n’avait pas su me répondre avec précision.
Depuis, je me suis souvenu qu’il avait relu le livre plusieurs fois (il est assez court et dense) et qu’il en avait à chaque fois retiré, découvert quelque chose de nouveau. D’autres lecteurs m’avaient déjà fait la même remarque, une lectrice m’avait dit par exemple :

« Ah! je l’ai relu et je ne l’avais pas vu comme ça la première fois. »

 

Il n’est donc pas impossible que selon le critère principal retenu (texte offrant une relecture différente) le gardien soit un texte puissant.

Mais dépassera-t-il les contingences de notre époque? Le livre aborde la question de la fin de l’existence. C’est l’histoire d’un pharmacien qui, condamné par la maladie, va peut-être devenir, pour l’un de ses patients, le gardien du dernier poison, celui qui donne la mort. Le livre questionne d’un point de vue philosophique, sans prendre parti (que ce soit pour le suicide, l’euthanasie ou les soins palliatifs) et surtout sans achever le questionnement.
Difficile donc de répondre à cette question de l’évolution du texte et de son accueil futur; « wait and see » comme disent nos amis anglophones, même il est possible de prendre les paris, d’anticiper :

Pour le devenir en texte inoubliable :
– le thème est universel, la fin de vie pour l’instant concerne chaque individu, quelque soit son époque. Je dis pour l’instant, car un jour l’homme sera peut-être immortel!
– les questionnements subsistent, et subsisteront sans doute encore longtemps : interrogations morales et métaphysique (sur la fin de l’existence, la possibilité et la réalité d’un au-delà)

Contre:
Le gardien est encore méconnu du grand public et il le restera peut-être;
– la question de la fin de la vie pourrait un jour se résoudre définitivement (même si j’en doute pour des raisons morales et existentielles);
– les qualités d’écriture rendront le texte caduque et imbuvable à l’avenir;
– au regard des mutations actuelles, le texte peut disparaître pour des raisons matérielles, technologiques par exemple, indépendantes de ses qualités; de même l’homme sera amené à évoluer, il faudrait alors reposer la question : « Qu’est-ce que l’homme? » et  » Qu’est-ce que lire en 4016?!!! », etc. mais cela nous emmènerait un peu trop loin dans la spéculation.

Voici d’autres exemples qui me viennent à l’esprit:
– les deux grands poèmes d’Homère offrent une richesse, qui ne s’est jamais démentie depuis plus deux millénaires
– plus récemment, les romans de Kafka, en particulier « le procès » et surtout « le château », qui ont dépassé (pour certains critiques anticipés!) les événements historiques du siècle dernier, postérieurs à leur écriture;
Don Quichotte, livre 1, qui fut falsifié (il y eut une suite d’au moins un autre auteur que Cervantès avant que ne soit publié le second livre) sans qu’il ne soit reproductible dans sa nouveauté, nouveauté qui continue à être commentée.

En résumé, le texte puissant doit donc subir le feu du temps pour savoir s’il va devenir inoubliable, c’est-à-dire rester vivant dans les mémoires, les imaginations et les discussions ultérieures.

Et vous? Quels sont les textes inoubliables que vous avez lus et relirez? Qu’est-ce qui rend un texte inoubliable selon vous?

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